Les arts et la créativité pour une résilience poétique.
Entretien avec le chef Robin Dorgler
Art culinaire, multiculturalité, créativité et valeurs humaines.
Marlena Des
4/12/20256 min read


Qu’est-ce qui vous inspire lorsque vous créez un plat ? Vos voyages ?
Oui, souvent, lorsque je pense à créer un plat, c’est parce qu’il y a une rencontre qui émerge, un beau souvenir d’un plat que j’ai pu préparer quelque part. Généralement, lorsque je partais en voyage, je partais pour un an et, pendant 9 mois, je consacrais mon temps à une maison gastronomique. Puis, pendant les 3 ou 4 mois restants, je voyageais dans le pays. L’idée était de toquer à l’arrière de petits restaurants et de voir si je ne pouvais pas passer un ou deux jours avec eux pour apprendre la cuisine locale : des brasseries, de la street food, etc.
Je m’inspire de ces souvenirs, qui ne sont pas seulement gastronomiques, mais aussi profondément humains, empreints de chaleur et de convivialité. Pour élaborer un plat, je puise ainsi dans un souvenir de voyage ou dans un ingrédient que j’ai envie d’interpréter, de transmettre. Par exemple, en ce moment, nous travaillons autour du citron Loumi.
Je ne connais pas. Pouvez-vous m’en dire plus ?
C’est comme le citron noir d’Iran, mais celui-ci vient du pays d’Oman. Je vais trouver un produit qui me parle et essayer de raconter une histoire à travers un plat, une recette avec cet ingrédient.
Alors, pour résumer Robin, pour créer un plat, vous partez d’un souvenir, d’un moment partagé avec des humains ou d’un ingrédient spécial ?
Oui, c’est un ingrédient spécial, mais surtout un ingrédient que l’on ne retrouvera pas en Alsace. Les gens viennent chez moi ou chez Miro pour manger une cuisine qu’ils ne trouvent pas ailleurs. J’essaye toujours de donner un twist original. Je ne fais pas dans la cuisine classique.
En effet, les gens viennent chez vous pour s’évader gustativement.
Gustativement et physiquement, car Miro est au milieu d’une forêt, au bord de l’eau, et c’est seulement à 15 minutes de Strasbourg. D’un coup, on peut se retrouver en pleine nature, dans le calme. J’espère que vous viendrez bientôt.
J’y tiens bien Robin ! (rires). Votre cuisine est donc un grand mélange de cultures.
Les 4 pays qui m’influencent le plus sont la France, l’Argentine, le Japon et le Canada, mais il y a aussi des petites influences du Pérou ou du Chili.
Pas d’influence indienne ?
J’ai été en Inde, mais je n’y ai pas passé assez de temps pour être influencé par cette cuisine et m’en inspirer.
J’adore la cuisine indienne, c’est pour cela que je m’y intéresse.
J’adore aussi la cuisine indienne, mais pour l’instant, je ne m’y inspire pas beaucoup.
Y a-t-il des ingrédients que vous évitez ?
Je fais attention au gras et au sucre… Ces ingrédients qui sont addictifs et qui peuvent avoir des conséquences si trop utilisés.
Pas de sans gluten ?
Si, bien sûr, ayant une grand-mère qui ne peut manger que du sans gluten, je sais m’adapter à cela. Je fais des menus végétariens, mais pas de menus vegan, car je ne m’y connais pas assez et cela ne correspond pas à ma philosophie de cuisine.
L’art influence-t-il votre cuisine ?
Oui, beaucoup ! J’aime me rendre à des expositions, et j’ai remarqué que mes dressages sont très influencés par le style des artistes. Il y a un moment où j’étais très fan de Kandinsky ou Mondrian, par exemple, et tous mes dressages étaient très linéaires, se rapprochant de l’expression artistique de ces deux peintres. Puis, lorsque j’ai été inspiré par Miro, c’est parti un peu dans tous les sens dans l’assiette. (rires)




Crédits photos : Simon Pages (vonpages.fr) / MiRO
Le site du restaurant gastronomique du chef RD: mirostrasbourg.com
Rires. Je vois.
Je suis aussi très influencé par la peinture, mais également par la sculpture. J’essaye de réfléchir à la matière, à la façon de la modeler. J’ai essayé de créer un plat avec du céleri, en l’intégrant dans une sculpture. Le céleri cuit dans une croûte d’argile et est placé au centre du feu. Ce sont des inspirations qui viennent de la sculpture, de l’architecture…
Quel style de musique vous intéresse le plus ?
J’aime beaucoup les musiques électroniques, le jazz, ainsi que tout ce qui est folk et disco. D’ailleurs, nous organisons un festival.
Dites-nous en plus Robin !
Il s’agit du Miro Festival. Une fois par an, pendant 3 jours, nous accueillons des artistes du monde entier ainsi que des chefs de cuisine du monde entier. Le matin, il y a des chefs qui donnent un cours de cuisine sur scène, et à partir de 16 heures, ce sont des groupes de musique, des artistes qui viennent jouer dans le parc.
Cela semble être un événement vraiment cool.
Oui, c’est vraiment très cool et très humain. Il y a environ 2000 à 3000 personnes sur 3 jours. C’est le dernier week-end de juin, du 27 au 29 juin.
Lorsque vous élaborez un plat, pensez-vous à la notion de santé mentale et comment ?
La santé mentale est très importante pour moi, et j’en parle surtout dans le cadre du bien-être de mon équipe. Je souhaite que mon équipe prenne du plaisir lorsqu’elle travaille sur un menu ou sur un plat, ou encore qu’elle adhère à ma philosophie de cuisine. J’ai travaillé dans des grandes cuisines à Paris, mais souvent, personne ne vous explique pourquoi nous prenons telle ou telle direction. Il faut juste exécuter les instructions puis rentrer chez soi. J’essaye de faire participer mon équipe aux projets.
C’est réellement important pour vous que vos équipes se sentent bien mentalement et physiquement. C’est magnifique.
Oui, cela est très important pour moi. Je veux que les personnes de mon équipe se sentent bien en cuisine et adhèrent à chaque projet. J’ai beaucoup travaillé dans ma vie parce que j’adorais cela, mais je tiens réellement à ce que mon équipe ait une vie équilibrée entre travail et vie privée. Chez Miro, il y a 3 jours et demi de congés par semaine, ce qui permet à mon équipe d’avoir une vie en dehors de la cuisine.
Leur bien-être compte.
Ce qui m’avait aussi beaucoup intéressée chez vous, Robin, c’est votre intérêt pour la musique, qui influence également votre cuisine. J’étais très curieuse de savoir comment vous introduisez la musique dans votre cuisine.
Je l’introduis de plusieurs façons. Par exemple, nous organisons un événement une fois par an, appelé « Symphonie Culinaire ». Je suis vraiment fan des films d’époque de Disney, et cela se déroule ainsi : vous êtes assis à table et un plat arrive, et il faut deviner de quel film Disney le plat s’inspire. Il y a une sorte de blind test, car on joue une musique du film Disney qui sert d’indice pour deviner le film dont s’inspire le plat. L’été passé, nous avons fait cela autour d'Aladdin ou du film Interstellar, où j’ai fait un plat autour du maïs.
On y a intégré la musique, le cinéma et la cuisine.
Merci pour ce magnifique moment !
Si je vous dis Robin, vous penserez probablement à Robin des Bois ou à Robin Williams si l'on étend un peu la prononciation. Mais ici, je vous parle d'un autre Robin, originaire de Strasbourg, et qui mérite vraiment d'être connu. Doté d'un talent indéniable pour l'art culinaire, d'une créativité débordante et d'une sympathie qui adoucit quiconque, Robin Dorgler a accordé une interview à Musarthis en mars, entre deux services. C’est dans une atmosphère conviviale, dans une bulle de joie et de partage, que j’ai échangé avec ce jeune chef français, qui nous fait rêver et saliver à travers sa poésie culinaire sur Instagram.
Elle est loin, l’image que l’on se faisait des chefs, tyranniques et tout-puissants ; aujourd’hui, comme Robin Dorgler, les chefs sont talentueux, accessibles et à l’écoute de leur brigade. Le restaurant Miro de Robin Dorgler est recommandé par le Guide Michelin depuis plusieurs années déjà. Si vous avez l’occasion de vous y rendre, vous saisirez certainement combien l’expérience client et les valeurs humaines y sont primordiales.
J’ai apprécié mes échanges authentiques avec Robin : nous avons beaucoup ri, tout en gardant de la profondeur dans nos conversations. J’ai particulièrement apprécié chez lui cette créativité empreinte de multiculturalité, avec des racines alsaciennes, et cette fusion entre les arts créatifs et l’art culinaire. Merci encore à vous, belle âme poétique et créative… Merci, Chef Robin Dorgler.
Le site du festival Miro : MIRO FESTIVAL – Music & Food

