Les arts et la créativité pour une résilience poétique.

L'ART-THÉRAPIE PAR 3 PROFESSIONNELLES ROMANDES

Quand les mots se retirent, l’art s’avance — et la main, doucement, devient messagère du soi.

Musarthis Team

5/5/20254 min read

Dans le silence d’un atelier baigné de lumière, les couleurs susurrent ce que les mots taisent. Sous les doigts, l’argile, le pastel, la gouache deviennent des chemins — parfois sinueux, parfois limpides — vers ce qui palpite en nous. L’art-thérapie, loin d’être une simple activité manuelle, est un espace de résonance, un lieu de transformation douce, où l’on vient déposer ce qui ne trouve pas encore sa forme. Mais qui guide ces métamorphoses silencieuses ?
Quelles qualités humaines faut-il cultiver pour accompagner l’autre sans jamais l’enfermer ? Pour voir sans interpréter, accueillir sans détourner, et témoigner sans imposer ?

Nathalie Roulet, Vicky Tsiaousi et Nadège Tissot, art-thérapeutes suisses, dessinent avec sensibilité et finesse les contours d’un métier encore trop souvent mal compris, mais profondément nécessaire. Membres actives de la commission de communication réunissant les associations professionnelles APSAT.ch et ARAET.ch, elles œuvrent ensemble pour faire rayonner l’art-thérapie comme une voie d’accompagnement humaine, créative et essentielle.

Quelles qualités humaines sont impératives pour être un bon art-thérapeute selon vous ?

L’écoute attentive est la qualité première de tout thérapeute, tout comme l’empathie, la patience et la curiosité envers l’autre.

À cela, l’art-thérapeute ajoute une capacité d’observation très fine pendant la séance, afin de témoigner de ce qui s’est réellement passé. La manière dont une personne crée, ainsi que le choix et l’utilisation des matériaux, révèlent sa personnalité et font pleinement partie du processus thérapeutique. Le corps s’exprime également à travers l’acte de création.

L’art-thérapeute n’émet ni jugement, ni interprétation — ce qui n’est pas si simple dans une société qui nous conditionne autrement. Cette ouverture permet à chacun de renouer avec sa spontanéité d’enfant

Il est aussi important de souligner que plus de 1 000 heures de formation sont nécessaires pour être certifié et permettre le remboursement des séances par les caisses complémentaires telles que l’ASCA ou le RME. Ce cursus exige endurance et développement de compétences multiples et spécifiques.

Quels sont les défis que peuvent rencontrer les art-thérapeutes dans l’avenir ?

La reconnaissance de notre métier et une meilleure compréhension de notre rôle dans les milieux médicaux, éducatifs et sociaux sont essentielles.

L’art-thérapie est encore trop souvent confondue avec une simple activité occupationnelle, alors qu’elle constitue un véritable soin, au même titre que la psychothérapie. C’est une discipline dotée d’outils spécifiques, et qui fait l’objet de recherches dans de nombreux pays. Cette reconnaissance, en tant que méthode complémentaire de soin, doit aussi se refléter dans les conditions salariales.

La tendance vers une médecine intégrative, avec une vision plus holistique de la personne, soutient cette évolution. Les expériences récentes démontrant la complémentarité de l’art-thérapie en témoignent déjà.

Il est important de participer activement à ce développement.

Le métier doit également s’adapter aux nouvelles réalités sociales et médicales, en intégrant des outils créatifs contemporains tels que la réalité virtuelle ou les outils numériques.

Enfin, étant donné que les art-thérapeutes accompagnent des personnes en souffrance, il est essentiel qu'ils prennent soin d’eux-mêmes pour préserver leur équilibre, notamment en exprimant leur propre créativité. La formation continue obligatoire leur rappelle l'importance de cet engagement.

Quand convient-il de consulter un art-thérapeute ?

Comme l’indique le flyer que nous distribuons lors de conférences, l’art-thérapie peut accompagner et soutenir des personnes de tout âge et à toutes les étapes de la vie. Elle prend tout son sens lorsque l’expression verbale devient difficile. Aucune connaissance artistique n’est requise, ce qui la rend accessible à toutes et tous.

L’art-thérapie permet d’accéder à ses propres ressources et de mieux se connaître, en aidant à traverser des périodes de crise telles que le deuil, le burn-out, le divorce ou toute autre période douloureuse nécessitant un accompagnement.

Quelle est la place de l’art et de la créativité dans l’existence humaine et dans la société civile ?

Depuis la petite enfance, la créativité est un mode fondamental d’expression. Même si elle est parfois moins valorisée dans le cursus scolaire, elle ne devrait jamais cesser d’être nourrie.

La créativité est essentielle à notre développement, qu’il s’agisse de produire une œuvre ou d’imaginer des solutions novatrices. Elle invite à une attitude active, dynamique, face au monde.

Dans de nombreuses sociétés, l’art et la créativité sont intégrés aux traditions, notamment lors des rituels de passage impliquant décoration, déguisement, maquillage, danse ou musique. Ces pratiques sont souvent revisitées en art-thérapie, selon la spécialité du thérapeute.

On peut regretter que peu de temps soit consacré à l’expression créative dans notre société moderne, alors même qu’elle active nos forces naturelles de guérison, renforce la confiance en soi et stimule l’élan vital. Dans un monde de plus en plus numérique, l’art nous ramène au concret. Il crée des espaces où les émotions peuvent circuler, là où les mots parfois échouent.

Grâce à l’art, nous cessons de chercher les solutions à l’extérieur : nous les retrouvons en nous-mêmes.


À travers leurs mots, leurs gestes et leur engagement, ces trois femmes tracent les lignes d’une pratique où la création devient soin, et le silence, un espace d’écoute profonde. L’art-thérapie ne guérit pas à la place, elle réveille les forces dormantes, elle accompagne, elle éclaire.

Dans un monde qui bruisse de bruits sans voix, elle invite à réapprendre la lenteur, la présence, et la beauté des élans intérieurs.
Un art du lien, un art de l’être.

Réponses de Nathalie Roulet, Vicky Tsiaousi et Nadège Tissot, art-thérapeutes suisses, membres de la commission de communication réunissant les associations professionnelles APSAT.ch et ARAET.ch

Intagram.com/art_therapie_romandie

Crédits photos : Les associations citées / Verly Amé